TEXTES, CHRONIQUES et DOCUMENTS DIVERS
 
 

TIXIER, FERTEUX et CHANVRE

Plusieurs de mes ancêtres présents sur ce site exerçaient le métier de « tixier ».
Ce métier, aussi appelé « texier », « tissier » ou encore « tessier » était simplement le métier de tisserand.
Certains exerçaient ce métier en complément du travail de la terre, à moins que ce ne fut le travail de la terre qui était un complément au métier de tixier.
Depuis des siècles, dans les campagnes de la France profonde, la plupart des travailleurs de la terre cultivaient une « chènevière », champ de chanvre destiné à produire les produits textiles nécessaires à la vie de la famille.

cueilleuses de chanvreLe « chènevis », est semé au mois de mai sur une pièce de terre bien grasse, le chanvre est une plante gourmande. Les « chamnées » sont récoltées en deux fois, d’abord le pied mâle, mûr plus tôt puis le pied femelle.
Début août, les femmes entrent dans la chènevière et tirent les pieds mâles dont elles font des poignées qu’elles arrangent au bord du champ. Viendra champ de chanvreensuite le tour des pieds femelles quand les graines (le chènevis) seront mûres.
Séchée puis égrenée, la « chamnée » est rouie dans une mare ou un ruisseau pendant deux à quatre semaines. Cette opération a pour but de faire pourrir l’écorce qui enferme les fibres textiles.
Les grains sont vannés puis criblés, les plus beaux sont conservés pour les semences tandis que les autres sont pressés pour en extraire de l’huile qui sert de combustible pour les lampes à huile ou utilisé pour nourrir les volailles.
Le tourteau résiduel, le « maton » sert à l’alimentation du bétail.
Les tiges rouies sont ensuite séchées.
Les chènevottes sont alors cassées pendant les veillées et par les enfants qui gardent les troupeaux, on en détache la fibre qui est ensuite martelée pour l’assouplir.
La fibre est ensuite mise en « étoupon » et attend le ferteux.

Le ferteux ou peigneur de chanvre est un travailleur itinérant.
Originaire du Limousin ou d’Auvergne, il se déplace au printemps de ferme en ferme.
A l’aide de son « seran », espèce de peigne constitué de dents en fer plantées en carré dans une planche de chêne, il carde les fibres pour les débarrasser des restes de chènevotte et pour en tirer des brins plus ou moins longs qui vont donner quatre qualités de filasse :
Le plain, fibre douce pour les chemises fines et le linge de table,
L’étoupe, pour les draps,
La bourrache pour les charriers, grosse toile sous laquelle est placée la cendre pour la lessive,
Et enfin les cornus pour les sacs à grain à noix et à treuffes (entendez les pommes de terre !)

 

le ferteux

La filasse est ensuite filée par les femmes, au fuseau ou au rouet et lessivée plusieurs fois pour devenir blanche.

Mise en peloton, elle est portée au tixier par la maîtresse de maison qui décide de la qualité et de la quantité de tissu à produire. Le tixier peut ajouter de la laine, amenée par la maîtresse de maison.
Dès la livraison du fil, le tixier procède à sa pesée et estime la quantité de tissu qui sera produit.
Avec le fil à tisser, on fourni au tixier du suif pour graisser les pièces de bois mobiles du métier à tisser et de l'amidon pour amidonner les fils de chaîne.
Sa tâche est minutieuse, le montage d’une chaîne nécessite la mise en place de plus de 200 fils, la maîtresse de maison va l'aider pour cette mise en place.
Pour réaliser un mètre de tissu, il faut environ trois heures de travail.
Le tixier est payé à l’aune de tissu ; en 1820, il est payé six à huit sous l’aune mais souvent, il bénéficie de paiement en nature, volailles, nourritures diverses...
Lorsque l'ouvrage est terminé, le tixier livrera sa toile au propriétaire, ce sera alors l'occasion d'ouvrir une bonne bouteille. metier à tisser

 

 

 

 

 

 

 

 

Petit lexique :
Aune : unité de longueur valant 3 pieds 7 pouces et 8 lignes soit environ 118,84 cm
Chamnée : tige de chanvre
Chènevotte : écorce, paille de chanvre
Chènevis : graine de chanvre
Chènevière : champ de chanvre

 

 

 

 

 

 

 

Sources :

Henri Vincenot, La vie des paysans bourguignons au temps de Lamartine, 1978
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie ou Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, 1751.
Louis Lavigne, Jours et travaux d’autrefois , 1979
fr.Wikipedia.org, lemorviandaupat.free.fr, www.couleur-lauragais.fr .

 

©Alain Large, octobre 2008.